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ETES-VOUS UN SALE CON ?

mardi 13 février 2007

Pourquoi je les appelle des « sales cons »

Adapté du billet de Robert Sutton « Why I call them Assholes »



L’une des choses qui m’a paru les plus surprenantes lorsque j’ai écrit ce livre, puis lorsque je l’ai proposé aux éditeurs, et désormais lorsque j’en parle à des gens de tous horizons, réside dans le très faible nombre de remarques que j’ai reçues à propos du titre un peu vulgaire.

L’objection la plus sérieuse provint sans doute de la Harvard Business School Press (HBSP) dont les responsables refusaient de publier l’ouvrage tant que je n’avais pas trouvé un intitulé plus respectable – ce que je n’ai pas accepté de faire. Jeff Pfeffer et moi-même avons vécu une expérience très enrichissante avec HBSP pour l’édition de notre ouvrage, Hard facts, Dangerous Half-Truths, and Total Nonsense [à paraître en français à la fin d’année], et je les recommanderais à n’importe quel auteur de management. Mais j’ai trouvé leur réaction face au titre plutôt étonnante puisque mon essai initial sur le sujet, intitulé « Ils n’en valent vraiment pas la peine », avait été édité par leur publication associée, la Harvard Business Review, et qu’il contenait sept ou huit fois l’expression « sales cons » [assholes].

À leur décharge, il faut dire qu’Harvard est une marque très respectable, voire même un peu guindée.

Et comme je le leur ai dit : si j’étais moi-même chargé de diriger la HBSP, je n’aurais pas non plus accepté de publier un livre avec l’expression « sale con » dans le titre, quand bien même il devait se vendre, car ce ne serait pas bon pour l’image de la marque. Donc, je suis allé voir d’autres éditeurs et j’ai trouvé mon bonheur avec Warner.

Je n’ai pas eu beaucoup de protestations depuis. J’ai donné des interviews aux médias, dans lesquelles on me demandait d’employer le mot « enflure » [jerk].

Cependant, tout récemment, j’ai reçu une plainte qui m’a vraiment amené à me demander pourquoi j’utilisais ce mot et si c’était là une chose civilisée. Il y a quelques semaines, Business Week a publié un article de fond sur mes idées sur le brainstorming et une liste de huit conseils fondés sur mes recherches et sur mon expérience avec des équipes créatives.
Ils ont été assez gentils pour dire que mon prochain livre (sans censurer le titre) s’intitulait The No Asshole Rule [Objectif zéro sale con]. L’article engendra un e-mail très attentionné de la part d’un lecteur :

« Une chose me saute aux yeux, tout de même. Si cela n’est pas trop tard, trouvez un autre titre pour votre prochain livre. La vulgarité n’a pas sa place quand il s’agit de questions sérieuses. Cela affaiblit vos idées et diminue votre crédibilité. Peut-être pourriez-vous y réfléchir avec vos collègues et nous trouver un meilleur titre. »

Cette critique m’a fait réfléchir à ce qui me poussait à employer cette expression vulgaire. Est-ce juste pour faire mon petit malin ? Est-ce que je fais cela pour vendre plus de livres ? Certainement, je plaide coupable. Ce serait un mensonge de nier cela. Est-ce que je fais cela parce que je suis une personne vulgaire ? C’est peut-être vrai aussi, mais les autres livres et articles que j’ai écrits ne contiennent que rarement des propos vulgaires.

Il y a deux raisons principales pour lesquelles, au moins pour moi, aucun autre terme ne fonctionne aussi bien pour qualifier ces gens méprisants et méchants. La première raison a à voir avec l’authenticité et la seconde avec mon envie d’influencer la manière de penser et d’agir des gens dans les entreprises.

Commençons par l’authenticité : lorsque je suis aux prises avec quelqu’un d’imbuvable, je ne me dis pas « Quel imbécile !» ou « Quel grossier personnage ! » La première chose qui me vient à l’esprit, c’est : « Quel sale con ! » C’est aussi le terme que presque tous les gens que je connais emploient, même s’ils se censurent après coup, pour qualifier ces saligauds. Dans Objectif zéro-sale-con, par exemple, je décris un cabinet d’avocats qui applique activement ce qu’ils appellent, dans leur communication aux médias, un « objectif zéro-enflure », mais lorsque j’ai discuté avec un associé du cabinet, il m’a confirmé qu’ils traitaient les gens qu’ils refusaient de « sales cons » bien plus que d’« enflures ».

Et juste l’autre jour, ma femme discutait avec une avocate spécialisée dans le droit du travail, qui était amusée d’entendre le titre de mon prochain livre parce que beaucoup de clients potentiels qu’elle avait refusés se plaignaient surtout de travailler avec des sales cons, bien plus que d’être victimes de harcèlement sexuel ou de discrimination. Cette avocate rapporte que « sale con » était le terme que ces clients potentiels employaient souvent et que c’était presque toujours vraiment ce qu’ils voulaient dire – et elle avait refusé beaucoup d’entre eux parce que dans la plupart des cas, il n’est pas illégal d’être un sale con, en dépit de tous les dégâts que cela cause.

Au final, un autre signe témoignant de l’authenticité de cette expression, d’un point de vue autant intellectuel qu’émotionnel, provint à ma grande surprise d’un e-mail que je reçus d’une chercheuse, qui étudie les abus émotionnels sur les lieux de travail.
Comme je le dis aussi dans le livre, elle m’écrivit :
« Votre travail sur l’objectif zéro-sale-con a touché une corde sensible chez mes collègues et moi-même. En effet, nous imaginons souvent qu’il y aurait de grandes variations du niveau de la satisfaction au travail, si nous pouvions intégrer un critère « sale con » dans nos enquêtes. S’il était possible de simplement demander si le patron en est un ou non, nous n’aurions plus besoin d’aucun autre travail d’enquête … Donc, bien qu’il soit assez fort, il faut bien dire qu’aucun autre terme ne rend aussi bien compte de la nature profonde de ce genre d’individu. »
Au Centre du travail, de la technologie et des organisations à Stanford, nous enseignons à nos doctorants, qui étudient l’ethnographie du monde du travail, que l’utilisation d’un langage ordurier peut parfois être nécessaire pour fournir des descriptions précises et réalistes des discours ou des sentiments des gens. Je pense qu’en terme de précision, tant descriptive qu’émotionnelle, les autres expressions ne suffisent tout simplement pas à décrire le caractère obstiné et méprisant du comportement de ces gens-là et, particulièrement, les sentiments qu’ils provoquent chez leur victime.

Mon second argument est que, puisque mon but est d’aider les gens à savoir comment démasquer ces saligauds méprisants, à comprendre les dégâts qu’ils font et à construire des entreprises civilisées qui refusent, réforment et éliminent les gens méchants, je dois utiliser un langage dont les gens se souviendront et qu’ils répéteront autour d’eux. Après tout, comme le démontrent si brillamment Chip et Dan Heath dans leur dernier livre Made to stick, peu importe qu’une idée soit bonne, si ce n’est pas accrocheur, si ce n’est pas quelque chose dont les gens parlent, dont ils se rappellent incessamment, et qui les préoccupe, alors cela ne peut avoir aucun impact sur eux. Chip et Dan montrent comment ces idées s’ancrent dans des histoires simples, inattendues, concrètes, crédibles et émouvantes, et je pense vraiment que l’expression « objectif-zéro-sale-con » correspond plus aux critères d’une idée accrocheuse qu’objectif « zéro méchanceté », « zéro tyran » ou « zéro-abus psychologique ». Précisément parce que cette expression est plus chargée émotionnellement et plus concrète que les autres, elle est plus apte à s’intégrer dans des histoires qui « accrochent » les gens et elle arrive à susciter chez certains toute une ribambelle d’histoires drôles, délicates… ou déprimantes.

Encore une fois, peut être que j’essaie simplement ici de me justifier ou de glorifier la vulgarité de mon langage ou mon grossier désir de vendre des livres.

Mais je crois quand même que les autres arguments sont également pertinents – avec tous le respect que je dois à la personne attentionnée qui m’a réprimandé avec douceur dans cet e-mail.

mardi 6 février 2007

Ce n’est pas qu’un mythe : l’exercice du pouvoir transforme bien les gens en sales cons

Traduction de « It Isn't Just a Myth, Power Turns People Into Assholes »
(traduction Esther Chevaleyre avec les conseils de Geoff Staines)


On a beaucoup parlé de la notion de leadership dans mon cours à Stanford sur « Le comportement organisationnel : une approche fondée sur les preuves concrètes ».
La semaine dernière, nous avons eu une intéressante conversation en nous demandant comment et pourquoi le fait de mettre des gens dans des positions de pouvoir semblait les transformer en connards égoïstes.
J’avais déjà réfléchi auparavant à cette question pendant qu’un journaliste allemand de Chrismon m’interviewait sur Der Arschloch-Faktor [la traduction allemande de The No Asshole Rule].

[…]

Aujourd’hui, je vais me concentrer sur la question posée par ce journaliste : « Les sales cons naissent-ils ainsi ou le deviennent-ils ? »

Je suis certain qu’il y a des gens qui sont génétiquement prédisposés à la méchanceté et qu’il y en a qui, peut-être suite à des maltraitances émotionnelles et/ou physiques subies dans l’enfance, deviennent des sales cons.
Mais il est également certain que, quelle que soit notre personnalité, nous pouvons tous devenir des sales cons, pour peu que les (bonnes) conditions soient réunies.

La « sale-connerie » est un poison insidieux, je parle beaucoup de cela dans le livre. Devenir un sale con est quelque chose qui se produit – avec une intensité et à une vitesse impressionnantes – lorsque les gens sont mis dans des positions de pouvoir.
Ma collègue à Stanford Deborah Gruenfeld et son équipe ont étudié pendant des années les effets du pouvoir sur la nature humaine, et leurs conclusions sont claires: le pouvoir transforme les gens en connards égoïstes et insensibles, qui agissent comme si les règles que nous, les autres, devons respecter, ne s’appliquaient pas à eux.
Le synthèse la meilleure et la plus concise concernant cette recherche est un article du San Francisco Chronicle datant de l’automne dernier, intitulé « Le pouvoir et ses effets maléfiques ». L’article résume ainsi ce large corpus de recherche – composé désormais de centaines d’études :

« Certaines caractéristiques sont communes aux gens puissants. Ils ont tendance à être plus insensibles, plus portés à rechercher la satisfaction de leurs propres pulsions, moins bons juges face aux réactions des autres, plus susceptibles de dresser des stéréotypes, exagérément optimistes et plus enclins à prendre des risques. »

L’article cite l’une des principales conclusions de Gruenfeld :

« La désinhibition est vraiment l’élément fondamental du pouvoir, a affirmé Deborah Gruenfeld, professeur à Stanford et sociologue, spécialisée dans l’étude du pouvoir. Pour la plupart des gens, ce que nous considérons comme des “jeux de pouvoirs” ne sont pas calculés et machiavéliques. Ils se manifestent au niveau du subconscient. Beaucoup de ces régulateurs internes, qui nous empêchent d’adopter un comportement méchant ou effronté, diminuent ou disparaissent. À partir du moment ou les gens se sentent puissants, ils ne cherchent plus à se contrôler. »


Pour illustrer la rapidité avec laquelle une telle désinhibition peut se produire, l’article décrit la savoureuse étude dite « des petits gâteaux » effectuée par Gruenfeld et ses collègues :

« L’une des expériences les plus simples pour mettre la thèse à l’épreuve est l’expérience des petits gateaux. Les chercheurs ont répartis des étudiants par groupe de trois et leur ont donné un devoir factice, consistant à collaborer pour écrire un court article sur une question sociale.
Ils ont ensuite demandé à l’un des élèves au hasard d’évaluer les deux autres, avec un système de notation affectant la possibilité pour eux de remporter une prime.
Après avoir créé cette hiérarchie artificielle de pouvoir, les chercheurs ont négligemment apporté aux trios de travailleurs des assiettes contenant chacune cinq petits gâteaux. Ils se sont aperçus que non seulement les élèves “puissants”, désinhibés, mangeaient plus que leur part des biscuits, mais qu’en plus, ils étaient plus enclins à mâcher la bouche ouverte et répandre des miettes sur la table. »


L’histoire inclut également l’expérience personnelle de Gruenfeld, qu’elle utilise souvent pour débuter ses exposés sur les effets de pouvoir :

« Gruenfeld offre un exemple similaire, tiré de sa carrière dans le journalisme, lorsqu’elle eu l’occasion de rencontrer Jann Werner, l’éditeur du magazine Rolling Stone. Elle se souvient qu’il descendait systématiquement la vodka à la bouteille et mangeait des oignons crus – sans jamais proposer de partager – “et à nous autres, cela ne nous venait même pas à l’esprit, parce que c’était entendu qu’il avait le pouvoir et que nous ne l’avions pas.” »

L’étude « des petits gateaux » et l’histoire de Rolling Stone ne sont que des éléments de preuve parmi d’autres – ce phénomène est démontré dans des centaines d’études.
Le résultat de toutes ces recherches est que le pouvoir transforme les gens en salauds insensibles et égoïstes, par conséquent, n’importe lequel d’entre nous, s’il est mis en position de pouvoir, risque d’avaler cet insidieux poison.

Cependant, si vous vous penchez sur les conclusions de Jim Collins à propos des dirigeants dans De la performance à l’excellence, cette affirmation doit être nuancé par le fait que les dirigeants capables de ne pas céder aux sirènes de la «sale-connerie » et qui parviennent à se concentrer sur les besoins des gens qui les entourent, sont apparemment des managers plus efficaces.

Il y a donc de bonnes raisons de chercher des moyens pour résister à un tel poison. L’un des meilleurs consiste à réduire les différences de statut entre les personnes et d’avoir aussi peu de niveaux hiérarchiques que possible. Un autre moyen est d’apprendre à écouter plus et à parler moins.

lundi 5 février 2007

Introduction

Extrait de : Objectif Zéro-sale-con de Robert Sutton, traduction Monique Sperry
The No Asshole Rule, © 2007, by Robert Sutton.
© Editions Vuibert, 2007 pour la traduction française.





Quand je rencontre un individu mesquin, méchant, ma première réaction est généralement de me dire : « Quel sale con ! »
C’est probablement aussi la vôtre. Peut-être utilisez-vous un autre qualificatif - connard, abruti, peau de vache, salaud, tyran, dictateur, sadique, enflure, pervers – mais, pour moi, « sale con » est celui qui exprime le mieux la crainte et le mépris que m’inspirent ce genre d’individu.
J’ai écrit ce livre parce que la plupart d’entre nous, malheureusement, sont confrontés, à un moment ou un autre de leur vie professionnelle, à des membres de cette engeance.
Objectif zéro-sale-con montre les ravages que ces nuisibles causent chez leurs prochains mais également dans la performance de l’entreprise. Ce petit ouvrage montre aussi comment les empêcher de s’introduire dans une entreprise, comment rééduquer ceux qui s’y sont déjà installés, comment se débarrasser de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas changer et comment limiter leur potentiel de dévastation.
J’ai découvert la notion de sale con il y a plus d’une quinzaine d’années, lors d’une réunion avec des collègues à l’université de Stanford. L’ambiance dans notre petit département était particulièrement stimulante et conviviale, à des années lumière de la mesquinerie qui imprègne très souvent la mentalité universitaire. Ce jour-là, notre président, Warren Haussman, animait une discussion concernant le recrutement d’un nouveau professeur.
L’un de mes collègues avança le nom d’un chercheur réputé, membre d’une autre faculté, ce qui provoqua le commentaire suivant d’un autre d’entre nous : « Écoutez, peu importe que ce soit un prix Nobel ou autre ... la seule chose que je veux pas c’est d’un sale con qui gâcherait l’ambiance de notre groupe. » Cela nous fit rire mais déclencha une discussion passionnée sur la manière de ne pas introduire d’éléments perturbateurs dans notre organisation. Nous prîmes ainsi l’habitude, chaque fois que nous devions recruter, de nous poser cette question : « Ce candidat réunit apparemment toutes les conditions, mais son arrivée irait-elle à l’encontre de notre objectif zéro-sale-con ? » Et c’est ainsi que ce havre de paix qu’était notre département fut préservé.
Les termes utilisés dans d’autres environnements sont plus polis ; on parle d’éviter les « petits chefs », les « emmerdeurs » ou les « autocrates ». Parfois, l’objectif est une règle tacite mais strictement appliquée. Quelle que soit la forme adoptée, c’est dans ces entreprises que j’ai envie de travailler et non pas dans celles qui ignorent ou tolèrent l’arrogance et la mesquinerie, quand elles ne les encouragent pas.

Je n’avais pas prévu d’écrire
Objectif zéro-sale-con. Tout a commencé en 2003, quand j’ai fait une proposition à moitié sérieuse à la Harvard Business Review. La rédactrice en chef de la revue, Julia Kirby, m’avait demandé si j’avais des suggestions pour leur liste annuelle « d’idées neuves ». J’avais répondu que la meilleure pratique de management jamais inventée était à mes yeux « l’objectif zéro-sale-con », mais que la Harvard Business Review était une revue trop respectable, trop distinguée et, pour être franc, trop guindée pour imprimer une expression aussi crue. Je fis valoir que des variantes comme « objectif zéro-abruti » ou « objectif zéro-méchant » n’avaient pas le même accent d’authenticité ni la même charge émotionnelle, et que je n’écrirai un article que si l’expression « objectif zéro-sale-con » était conservée.
Je m’attendais à un refus poli. Je me réjouissais secrètement à l’idée de vilipender la vision aseptisée et idéalisée de l’entreprise présentée dans les pages de la revue et son refus d’utiliser des termes reflétant la manière de penser et de parler des gens ordinaires.
Je me trompais. Non seulement la revue publia mon article en février 2004, mais le mot « sale con » était imprimé au total huit fois. Et ma surprise ne s’arrêta pas à la parution de l’article. J’avais déjà publié quatre articles dans la
Harvard Business Review, qui avaient suscité des commentaires par email ou téléphone et quelques questions de membres de la presse. Mais ces réactions n’étaient rien, comparées au déluge provoqué par mon article sur le « zéro sale-con », bien que celui-ci fût noyé parmi 19 autres « Idées neuves ». Je reçus des dizaines d’emails à la suite de cet article (et d’un autre sur le même sujet publié dans la revue CIO Insight) et le flot ne se tarit pas.
Le premier message venait du directeur d’une entreprise de couverture à qui mon article avait enfin donné le courage de se débarrasser d’un collaborateur compétent mais invivable. Puis arrivèrent des messages de personnes de professions et d’origines totalement différentes : un journaliste italien, un conseil en management espagnol, un comptable de Boston, un haut conseiller de l’ambassade américaine à Londres, le directeur d’un grand hôtel de Shanghai, le manager d’un musée de Pittsburgh, le PDG d’une société de Bourse, un documentaliste de la Cour suprême, pour n’en citer que quelques-uns.
Et alors que je m’attendais à des réactions offusquées de mes collègues universitaires qui étudient notamment l’agressivité au travail, beaucoup d’entre eux me félicitèrent, notamment celui-ci qui m’écrivit : « Votre travail sur “l’objectif zéro-sale-con” a touché une corde sensible chez mes collègues et moi-même. En effet, nous avons souvent le sentiment que nous pourrions prédire une grande part des disparités dans la satisfaction au travail en incluant dans nos études un critère « sale con ». En fait, si nous pouvions demander « Est-ce que votre patron est un sale con ? » nous n’aurions plus besoin de poser d’autres questions ... Je pense donc, comme vous, que s’il peut choquer, aucun autre mot ne traduit aussi bien ce que sont ces gens là. »
Ma modeste contribution dans la
HBR suscita aussi des commentaires dans la presse, des éditoriaux et des interviews sur la chaîne nationale de radio, dans la revue Fortune Small Business et un article – savoureux – d’Aric Press, rédacteur en chef de la revue professionnelle, American Lawyer, invitant les avocats à instituer des « audits de connards ». Press proposait aux dirigeants des firmes juridiques« de se poser cette question : pourquoi tolérons-nous ces comportements ? Si la réponse est : parce que nous devons facturer au client 2500 heures par avocat, vous aurez au moins identifié vos priorités sans avoir à payer un consultant ! ».

Bien entendu, le sale con n’est pas le monopole des sociétés d’avocats. On en trouve dans toutes les professions et dans tous les pays. Quel que soit le terme utilisé pour les désigner, beaucoup d’entre eux n’ont même pas conscience de l’être. Les pires en sont fiers. D’autres sont gênés et regrettent leur comportement mais sont incapables de se maîtriser. Tous ont en commun, toutefois, d’exaspérer, d’humilier et de blesser leurs pairs, leurs supérieurs, leurs collaborateurs et, parfois, les clients.

J’ai résolu d’écrire
Objectif zéro-sale-con devant la peur et le désespoir exprimés par les victimes, mais aussi en découvrant leurs astuces pour survivre en préservant leur dignité dans des lieux infestés de sales cons, et en lisant les récits hilarants de leurs vengeances, et de leurs petites victoires sur ces malfaisants. J’ai aussi écrit ce livre parce qu’il a été abondamment démontré que des lieux de travail civilisés ne sont pas une utopie, que de tels lieux existent, que le mépris peut être remplacé par le respect mutuel quand une équipe ou une entreprise est bien dirigée et, enfin, que les entreprises civilisées ont en général des performances supérieures. J’espère que ce petit bouquin apportera du réconfort à tous ceux d’entre vous, lecteurs, dont la vie est gâchée par les sales cons qui se sont glissés parmi vos collègues, vos supérieurs et vos subordonnés. J’espère aussi qu’il vous fournira quelques idées pratiques pour chasser ou rééduquer ces gens là ou, quand ce n’est pas possible, pour limiter leurs ravages.